Un tenure vaut-il mieux que deux tu l'auras ?



24 juin 2020 /// L’actu de la profession
Ceci n’est pas
une chaire

Vous saviez que le tableau de Magritte représentant une pipe et légendé “Ceci n’est pas une pipe” s’appelait en réalité La trahison des images ?
Vous me voyez venir. Qu’on les appelle “tenure track”, chaires d’excellence ou récemment chaires de professeur junior, ces postes défraient la chronique.
Ceci est donc un numéro spécial “Tenure track”.
Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews


Si vous n’avez que 30 secondes



A partir d’ici 4′ de lecture incrémentale.


Ca vous dit une chaire junior ?


La mise en place de ces “tenure track” pose de (très) nombreuses questions.


Ce pack Chaire de professeur
est dispo pour 350 euros HT
Les “tenure track” sont un serpent de mer. Mais, après de nombreuses années de réflexion et de comparaison internationales, en voici la première bosse, sous la forme des “chaires de professeur junior (CPJ)”, introduites dans le projet de loi Recherche (art.3). Au grand dam de certains, même si des aménagements (voir en conclusion ) ont été arrachés après une négociation de 21 heures avec certains syndicats. Les conditionnels qui suivent sont de rigueur, la loi n’étant pas passée devant le Parlement.
  • Combien ? D’un coût total de 116 millions d’euros, les CPJ représenteraient jusqu’à 25% des effectifs dans les postes concernés, chargés de recherche ou maître de conférence. Le processus de sélection durerait « plusieurs mois ».
  • Comment ? Ouverts sur la base du volontariat par les établissements, ces postes axés recherche plus qu’enseignement auraient une durée de 3 à 6 ans maximum avant une promotion aux rangs de professeur ou de directeur de recherche.
  • Pour qui ? Il s’agit d’attirer des chercheurs étrangers, de faire revenir des chercheurs français expatriés ou de créer des postes de recherche interdisciplinaire qui ne rentrent dans aucune case aujourd’hui.
Pourquoi tant de haine ? Itinéraire bis, promotion automatique, extinction des maîtres de conférence… La future existence des chaires de professeur junior cristallise la polémique et provoquerait des ressentiments au sein des labos (voir notre interview ). Entre les CPJ et les autres, éventuellement bloqués dans leurs carrières, le risque de déclassement est réel.
Quel avenir pour ces contrats ? Frédérique Vidal le répète : ces tenure tracks ne sont qu’un outil à la disposition des établissements, qui y auront recours si nécessaire. Un garde-fou va en limiter la portée : pour tout “tenure track” signé, les établissements devraient promouvoir un professeur d’université ou un directeur de recherche. Il y a une sorte de précédent : les contrats LRU, qui n’ont jamais fait florès. En sera-t-il de même pour les profs junior ?


Une petite phrase énigmatique
Et elle se trouve dans l’exposé des motifs de la loi. La voici : « Compte tenu de l’évolution des départs à la retraite (…), il serait possible de maintenir en flux le nombre actuel de postes mis aux concours et de consacrer tout ou partie du solde à cette nouvelle voie d’accès aux corps de professeurs et de directeurs de recherche ». Doit-on comprendre que les chaires juniors seraient créés grâce au non-remplacement des départs en retraite, voire diminuerait d’autant les effectifs recrutés sur concours ?


Des infos qu’il vous faut ///////////  L’académie, c’est fini pour lui, raconte James Heathers dans ce post de “quit lit” très anglo-saxon mais très intéressant /////////// Si vous voulez le point de vue d’un insider sur le Cneser le plus long du monde (21 heures) qui s’est tenu le 18 juin dernier, Nicolas Holszchuch, nouvellement élu en a tiré un témoignage instructif /////////// Tiens encore un classement des universités, cette fois par la société emirati CWUR, dans lequel PSL apparaît en 21e position, suivie de Paris Saclay et de l’Institut polytechnique de Paris /////////// Mais où va l’argent de l’Agence nationale de la recherche ? Un post de blog d’Aéroergastère tente une approche scientifique de la question ///////////


Trois questions à… Christine Musselin
« Les tenure tracks vont créer des tensions dans les labos »

Les chaires juniors vont faire cohabiter des statuts très différents. Analyse.




Itinéraire bis pour les profs ?

Les chaires de professeur balaieront-elles l’existant ?  
Dans un premier temps, elles ne seront qu’un dispositif parmi d’autres mais si à terme 300 chaires sont créés tous les ans [en 2030, voir page 23, NDLR] sur cette base — contre 1000 postes classiques ouverts au recrutement chaque année, environ —, le système sera progressivement chamboulé, d’autant que les universités sont aujourd’hui extrêmement frileuses quand il s’agit de créer des postes. Quant à leur but, des versions différentes circulent : il s’agirait d’attirer tantôt des chercheur·es actuellement en poste à l’étranger et qui n’ont pas encore un dossier leur permettant de devenir professeur·e, tantôt de créer des postes interdisciplinaires après la thèse. Dans les deux cas, il y a une incertitude sur le public visé, même si les problèmes à résoudre sont très clairs : l’attractivité de la France dans un cas, l’accès plus précoce à des postes, dans l’autre.

Cela va-t-il créer des tensions au sein des laboratoires ?
C’est certain. C’est d’ailleurs déjà le cas entre les universitaires et les chercheurs dans certains labos. Chargés de recherche, maîtres de conférence, l’état d’esprit reste le même et la logique de gestion des carrières est semblable. Mais faire travailler ensemble des “professeurs juniors” avec des maîtres de conférence aux salaires inférieurs et aux moyens inférieurs avec des statuts différents accroît la complexité. On sous-estime la difficulté — je parle en connaissance de cause, je l’ai fait quand je m’occupais de la direction scientifique de Sciences po — qu’il y a à gérer des systèmes de gestion de carrière différents. Cela suscite des sentiments d’injustice.

D’où viendraient ces injustices exactement ?
On crée avec les “tenure track” des différences de statut, de conditions de travail et de rémunérations qui ne sont pas nécessairement indexées sur des différences d’activité ou de résultats. A chaque étape de carrière, les personnels se retrouvent en compétition. Or, dans la tenure track, rien de cela : si la personne satisfait les critères fixés lors de son recrutement, elle est titularisée. A la fin, on sera donc jugé sur “ses propres résultats”, pour le dire vite. Rien n’est simple dans cette proposition et je ne parle même pas des CDI de mission scientifique. Si je trouve le principe général des “tenure track” intéressant, il devrait en ce cas progressivement être appliqué à tout le monde. Si cela devient le moyen d’accéder à un poste de professeur, cela ne casserait pas la fonction publique, comme cela est craint aujourd’hui.


Journal officiel, au rapport ! //////// Sachez-le, les membres du Haut conseil pour le climat seront rémunérés 1000 euros par mois //////// Excellente nouvelle : la prolongation des contrats doctoraux due au Covid-19 a été actée, c’est l’article 36. Les intéressés (vous, peut-être ?) ont jusqu’à la fin de l’année pour présenter leur demande //////// On signale l’ouverture de concours de conservateurs stagiaires, plus exactement dix en externe et trois en interne, ainsi que deux en concours externe spécial //////// Le cahier des charges de l’appel à projets Hybridation des formations de l’enseignements supérieur a été approuvé. Vous pourrez le trouver ici //////// 


On ouvre le carnet mondain //////// Les mandats des conseils et de la présidence de l’Université du Havre sont prolongés jusqu’au 15 octobre, covid oblige //////// Philippe Gervais-Lambony a été élu président de l’Université Paris-Nanterre, son mandat débutera le 02 juillet ///////


Les appels à projet de la semaine



Et pour finir


Arrêtez tout, on a trouvé comment refinancer la recherche : faites appel aux zigotos de Melius, qui promettent de « faire de l’argent » grâce à son portable et aux cryptomonnaies pour « acheter des véhicules haut de gamme » plutôt que de rester dans son lit superposé. La vidéo vaut le détour, jusqu’à la chute. Allez, bisous.