Les 400 Coups de Raoult




27 mars 2020 /// L’actu des labos


L’éthique,
la vraie


Impossible de passer à côté : cette semaine, le débat autour du traitement à la chloroquine pour le Covid-19 a agité les médias. Une partie de la population est prête à défendre ce remède “miracle”…  qui n’a pas fait ses preuves.
Malgré son éthique douteuse, Didier Raoult a gagné une manche grâce à sa communication fracassante. Mais rien ne l’arrête : il dénonce maintenant les « spécialistes de la méthode ». Une véritable attaque envers la science.

Bonne lecture et bon courage,
Lucile de TMN


Si vous n’avez que 30 s



A partir d’ici 6 mn de lecture au calme


Ils traversent la crise de la quarantaine 


Pour les doctorants et postdocs, qui doivent obtenir des résultats et achever leurs projets en un temps limité, la fermeture des labos ressemble à un compte à rebours.


Il y a ceux pour qui le confinement est presque une aubaine… et les autres ! Raphaël, en troisième année de thèse en physique expérimentale, fait partie de la première catégorie. Il venait d’en commencer la rédaction lorsque le “lockdown” a été décrété : « Ca tombe plutôt bien, je peux m’y consacrer complètement. Et puis ça m’évite de devoir retourner aider en salle de manip. » Cependant, même pour les doctorants peu impactés par la fermeture des labos, le travail à distance n’est pas forcément aisé : « La communication avec les encadrants de thèse est beaucoup moins fluide qu’en face à face », déplore Léa, doctorante en sciences de gestion.
Seuls et sans contrat
Pour d’autres, la situation est beaucoup plus critique, comme l’explique Sylvie Pommier, directrice du collège doctoral de l’université Paris-Saclay : « La priorité est actuellement aux doctorants qui ne peuvent pas soutenir et qui de toutes façons ne trouveront pas un emploi maintenant. Certains sont seuls, en chambre étudiante, et vont se retrouver sans contrat… ». Il faut donc trouver des financements pour les prolonger, avec de l’argent venant du ministère ou en prenant sur les budgets de l’an prochain.

« Certains sont seuls, en chambre étudiante et vont se retrouver sans contrat… »
Sylvie Pommier, directrice du collège doctoral de l’université Paris-Saclay
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Entre ces deux situations extrêmes, « un retard à peu près équivalent au temps de confinement est à prévoir pour la majorité des doctorants » , affirme Thomas Coudreau, président du Réseau national des collèges doctoraux. Celui-ci va se réunir en début de semaine prochaine pour s’accorder sur la demande à faire au ministère, l’idée étant d’obtenir des financements pour prolonger tous les contrats doctoraux.

Un redémarrage qui promet d’être lent
Les postdocs partagent ces problématiques. Yoann Abel est actuellement postdoc à l’IGMM de Montpellier ; son contrat se termine mi-juin. Après le retour à la normale, il aura besoin d’au moins deux mois pour redémarrer ses expériences de biologie moléculaire et espérer des résultats. « Sans compter que l’accès aux plateformes mutualisées va probablement être difficile car elles seront surchargées », s’inquiète le postdoctorant.
« Le ministère ne semble pas s’émouvoir du sort des contractuels en fin de contrat.  » 
Yoann Abel, postdoc
à l’IGMM de Montpellier

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Malheureusement pour les postdocs, il n’y a pas d’écoles doctorales pour les défendre. « Et le ministère ne semble pas s’émouvoir du sort des contractuels en fin de contrat » s’indigne Yoann Abel. TheMetaNews a demandé cette semaine au ministère si des financements pour prolonger les contrats étaient envisagés. Nous attendons toujours une réponse. Pour tous les doctorants et chercheurs contractuels, quelle que soit leur situation, l’angoisse de l’épidémie s’ajoute à l’incertitude de leurs avenirs professionnels. Comme si une peur ne suffisait pas.


Qu’en est-il des étudiants en master ?

Tout le monde s’accorde à le dire, cette année, les stages de master 2 ne seront pas des stages « normaux ». Difficile en effet de développer son projet sans mettre un pied au labo. Cela aura-t-il des conséquences sur l’attribution des bourses de thèse ? A Paris-Saclay, Sylvie Pommier se veut rassurante : « Tous les étudiants seront dans le même cas, et nous en tiendrons compte ». Au niveau national, Thomas Coudreau insiste quant à lui sur l’hétérogénéité des procédures entre disciplines. Ainsi, chacune décidera de modifier ou non son calendrier. « Nous ferons notre possible pour communiquer le plus tôt possible à ce sujet », promet-il.


Une quinzaine de sursis  


La pétition pour le report des concours d’enseignants-chercheurs a été clôturée le 24 mars avec 1 762 signatures. Hasard ou coïncidence, le même jour, le ministère a précisément annoncé le recul de deux semaines du dépôt des candidatures aux postes de maître de conférence et professeur des universités (même si 40 000 candidatures ont déjà été enregistrées). La nouvelle date fatidique est donc le jeudi 9 avril 2020, 16 h, heure de Paris. Et les auditions ? Comme annoncé dans TheMetaNews ce mercredi, le ministère planche sur la possibilité de les réaliser par visioconférence. En tous cas, ce sera avant le 25 juin, date à laquelle seront rendues officielles les décisions des établissements.


Des infos virales en passant /////// Quand les labos aident les hôpitaux : le Collège de France vient de donner protections et produits chimiques à l’AP-HP /////// Participer aux recherches sur le Covid-19 à votre mesure ? C’est possible en ligne ! /////// Les chercheurs se lâchent sur les enquêtes en cette période inédite ! En voici deux : l’une sur l’impact et l’adaptation, l’autre sur l’évaluation du bien-être durant le confinement /////// Un groupe d’expert est en cours de création pour guider le partage des recherches sur le Covid-19 ///////  Vite ! Aujourd’hui est le dernier jour pour participer à l’enquête PhDTalent en partenariat avec BPIFrance ///////


Trois questions antivirales à… Olivier Belli


« On m’a reproché de m’attaquer à un éminent professeur »


Ce doctorant en biologie moléculaire à l’ETH Zurich dénonce les manquements éthiques des travaux de Christian Raoult sur la chloroquine. 


Pourquoi avez-vous ressenti l’envie de prendre la parole auprès du grand public ? Je recevais beaucoup d’interrogations de la part de proches non-scientifiques et j’ai voulu écrire une réponse globale. Il était important pour moi de coller aux faits, de parler uniquement de l’article de Didier Raoult et de ses manquements éthiques. Certains disent qu’en tant de crise, on n’a pas le temps de respecter les protocoles à la lettre pour trouver des solutions. Je pense au contraire, qu’il faut faire d’autant plus attention. Le risque d’accident [par automédication, NDLR] est grand, surtout en Afrique ou en Asie où il est facile de se procurer de la chloroquine.
Quelles ont été les réactions ? J’ai reçu beaucoup de messages de soutien de la part de chercheurs et de médecins qui m’ont rassuré dans ma démarche et ma légitimité. D’autres personnes m’ont reproché d’être un simple doctorant qui ose s’attaquer à un éminent professeur. Mais si un simple doctorant voit les failles, c’est qu’il y a un sérieux problème. Enfin, quelques lecteurs m’ont avoué avoir pris du recul par rapport aux travaux de Didier Raoult.
Comment faire passer le message ? Je comprends les gens qui croient le professeur Raoult car on leur dit de faire confiance aux experts. Et le grand public n’est pas familier avec la culture de la contradiction que nous avons en sciences. De plus, on voit bien émerger la structure narrative du héros, seul contre tous, typique de la théorie du complot. La manière dont les sciences sont enseignées n’aide pas : le plus souvent, des figures charismatiques comme Galilée ou Einstein sont mises en avant au détriment du collectif.


Votre revue
de presse express



Et pour finir…

Voici comment les physiciens ont illustré la distanciation sociale. Vous n’y comprenez rien ? Normal. Trouvez un physicien et mettez-le au défi de vous expliquer en une phrase (moi-même physicienne, je n’ai pas réussi…).