[Courrier des lecteurs] Le CIR pour la recherche

| Par eddie_tmn
— Le 15 juillet 2021

Un courrier des lecteurs de… Patrice Petit


« Et si l’on attribuait le crédit impôt recherche à la recherche ? »


 Patrice Petit   est directeur de recherche au CNRS. Ce biologiste réagit suite au numéro d’OutsideLab du 9 juin 2021 sur le crédit impôt recherche (CIR).

Et si l’on demandait au gouvernement et à ses hauts fonctionnaires ENA-IGF et X-Mines d’inventer une autre façon de tricher et de détourner les lois européennes ?
Le nouveau rapport de France Stratégie sur le Crédit impôt recherche vient éclairer l’échec de la recherche finalisée et conforter le précédent rapport. Cette très importante niche fiscale de 6,8 milliards d’euros est totalement inefficace pour générer une activité de recherche et développement en France. Et cela se sait désormais !
Elle a même un effet de levier négatif lorsqu’elle influence mécaniquement, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) qui, elle, n’a cessé de diminuer pendant que le budget du Crédit impôt recherche augmente sans cesse.
Ce dispositif grève le budget de l’État. Il n’a jamais été conçu pour aider la recherche. Il s’agit purement et simplement d’un contournement des règlements européens sur les aides directes aux entreprises. Aussi, les conclusions du rapport qui vient de sortir sont-elles identiques à celles du rapport précédent !
Le dispositif est inopérant, voire même toxique, et ne permet pas même a minima de reconstituer un appareil industriel qui réponde aux besoins de notre société. Alors pourquoi ce dispositif qui grève le budget de l’État est-il maintenu ? Parce qu’il n’a jamais été conçu pour aider la recherche. Cependant sa suppression n’est pas envisagée car « cela déplairait aux investisseurs ».
« Affecter le CIR sous contrôle des organismes de recherche »
Une manipulation des plus simples serait d’affecter le CIR aux organismes de recherche (CNRS, INSERM, INRIA, INRA…), ce qui correspondrait à un refinancement de ces organismes, confortant leur existence, garantissant un puissant bond en avant et protégeant dans la foulée leur l’indépendance. Cette démarche assurerait par là même leur indépendance et leur dynamisme, coupant court au fait qu’ils soient devenus désormais des pourvoyeurs de personnels sans avoir les moyens de leur politique scientifique. En bref, ce serait une véritable révolution !
Et mécaniquement, cela ferait disparaître l’ANR, structure tant contestée et opaque qui régit depuis quelques années le pilotage de la recherche française et participe à occuper les chercheurs à des tâches de rédaction incessantes (qui s’ajoute à la recherche de subventions diverses, nationales et européennes, avec toute la lourdeur qu’elle comporte) et les éloignent de la pratique scientifique stricto sensu. Ce qui permet aussi, de manière pernicieuse, la pénétration de « l’hydre » managériale (et son lot de politiques aux ordres) au cœur des laboratoires, court-circuitant ainsi les sections scientifiques (« évaluation par les pairs élus ou nommés »).
Cela changerait du déficit de rationalité des politiques qui ont conduit en vingt ans au décrochage scientifique de notre société. Une véritable cure de jouvence serait donc entreprise et l’avenir de la jeunesse qui piaffe aujourd’hui aux portes des organismes de recherche s’éclaircirait d’autant.


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