🔶 Êtes-vous cypherpunk ?


08 mars 2021 /// Une innovation dĂ©cryptĂ©e 
Crevons
la bulle

Devenu un phĂ©nomène de sociĂ©tĂ©, le cours du Bitcoin n’en finit plus de grimper, mais une question reste : les cryptomonnaies ne sont-elles qu’un outil de spĂ©culation ? Non.
Elles pourraient par exemple aider Ă  sauver les artistes en cette pĂ©riode difficile. Et tenez-vous prĂŞt car l’euro numĂ©rique sera disponible en 2026.
Le but de ce numĂ©ro ? Comprendre comment la recherche acadĂ©mique a permis l’Ă©mergence de cette technologie rĂ©volutionnaire, qui n’en est qu’Ă  ses balbutiements.
Bonne lecture,
Lucile de TheMetaNews

 PS  Avant de commencer, voici deux ressources : Qu’est-ce qu’une cryptomonnaie ? par Odile Lakomski-Laguerre ou, plus fun, une explication des blockchains grâce Ă  une allĂ©gorie crĂŞpière par l’informaticienne Sara Tucci.


Si vous n’avez que 30 secondes



5 min dans l’antre des cryptologues


Tout vient de la paillasse
Retour aux origines des cryptomonnaies
La rĂ©volution du Bitcoin prend ses racines dans la recherche et y fait aujourd’hui un retour en force.


Moins sérieux que le Bitcoin,
le Dogecoin

Tout dĂ©bute dans les annĂ©es 1980 dans le sillage des travaux sur la cryptographie moderne. De très nombreux protocoles sont dĂ©veloppĂ©s par des chercheurs qui marqueront l’informatique : Merkle et son arbre, Chaum et ses clĂ©s publiques, Haber et l’horodatage… VoilĂ  pour les origines.

Avec la décennie 1990 prend forme l’idée de reproduire une monnaie numérique, sans autorité et décentralisée : la cryptomonnaie. Celle-ci sera très populaire dans le mouvement crypto-anarchiste des cypherpunks, composé d’ingénieurs de la Silicon Valley. Mais, après quelques tentatives, le mouvement semble s’éteindre vers 2000…

C’était pour mieux revenir en 2009 avec l’arrivée du fameux Bitcoin. C’est une révolution : à la fois parce qu’il assemble des protocoles provenant de thématiques variées mais surtout pour son élément phare : la blockchain – un registre sécurisé distribué entre les collaborateurs du projet.

A partir de lĂ , une culture propre aux cryptomonnaies va se dĂ©velopper en dehors du champ acadĂ©mique. Le caractère open source permettra leur multiplication (il en existe plusieurs milliers aujourd’hui), notamment Ethereum et ses contrats intelligents ou la monnaie Tether adossĂ©e au dollar amĂ©ricain.

Les deux mondes se reconnectent avec le financement privĂ© de recherches acadĂ©miques, comme dans le cas de la monnaie Cardano en 2017. Face aux enjeux Ă©conomiques et Ă©cologiques, les partenariats continuent de fleurir : l’Inria vient de signer un accord avec Nomadic Labs pour financer des recherches sur Tezos (â–Ľ Lire notre interview â–Ľ).


Le Bitcoin, un Ă©chec ?
Si le Bitcoin est une rĂ©volution technologique, il l’est aussi du point de vue Ă©conomique. Ainsi que le rĂŞvait l’Ă©conomiste Friedrich Hayek avec son modèle de free banking, il s’agit de la première mise en application d’un système monĂ©taire auto-rĂ©gulĂ©. Mais aujourd’hui, malgrĂ© ses mille milliards de dollars de capitalisation, l’aventure Bitcoin est perçue par certains comme un Ă©chec : peu utilisĂ© pour des transactions, il sert aujourd’hui Ă  la spĂ©culation. Et la bulle pourrait bientĂ´t exploser.


 Des infos en vrac  La deuxième Ă©dition du baromètre jeunes chercheurs & entrepreneuriat Deeptech par Bpifrance et PhDTalent est lancĂ©e, avec une enquĂŞte comprenant un volet jeunes chercheurs et un autre pour les encadrants //////////// Ca peut vous ĂŞtre utile : Linkinnov est une plateforme de mise en relation des scientifiques avec des entreprises par le rĂ©seau C.U.R.I.E. //////////// La troisième mission des universitĂ©s – l’innovation – faisait l’objet d’une Ă©tude de Bpifrance : voici le livre blanc et le webinaire de prĂ©sentation //////////// C’est aujourd’hui mĂŞme qu’est lancĂ©e la FĂ©dĂ©ration de recherche hydrogène du CNRS //////////// A vos agendas : un webinar est organisĂ© par PhD Talent demain 9 mars : PhDXP avec Marko Erman ///////////


Les stars des cryptomonnaies
 Le pionnier.  Avec d’autres chercheurs, David Chaum s’intĂ©resse Ă  la cryptographie dès les annĂ©es 1980, notamment aux communications anonymes. Reconnu comme le père des cryptomonnaies, il en lancera d’ailleurs plusieurs. Le cypherpunk.  L’ingĂ©nieur Timothy C. May publie en 1992 son Crypto Anarchist Manifesto, fondateur du mouvement cypherpunk. MĂ©fiant envers les gouvernements, lui et ses acolytes Eric Hugues et John Gilmore veulent prĂ©server la vie privĂ©e grâce Ă  la cryptographie.
 Le mystère.  Satoshi Nakamoto est le cĂ©lèbre crĂ©ateur du Bitcoin. Derrière ce pseudonyme se cache certainement un ou plusieurs informaticiens proches du milieu acadĂ©mique. Son livre blanc mentionne la perte de confiance dans les banques après la crise de 2008.
 L’écolo.  Co-fondateur d’Ethereum avec le surdouĂ© Vitalik Buterin, Charles Hoskinson financera des projets de recherche pour amĂ©liorer la technologie blockchain. Ce partenariat dĂ©bouchera sur la crĂ©ation d’un premier système plus Ă©colo, Cardano, en 2017.
 Le trader.  Avec l’argent gagnĂ© Ă  la Goldman Sachs, Arthur Breitman dĂ©cide dès 2014 de crĂ©er une cryptomonnaie. Avec sa femme Katleen, ils seront sous le feu d’un scandale financier mais Tezos, basĂ© sur une nouvelle gĂ©nĂ©ration de blockchain, reste l’objet de nouveaux espoirs.


Cinq questions Ă  Yann RĂ©gis-Gianas
« On pourrait remplacer les notaires »
SpĂ©cialiste des blockchains, cet enseignant-chercheur a quittĂ© l’acadĂ©mie pour rejoindre la R&D de Nomadic Labs, qui dĂ©veloppe la monnaie Tezos. 


Un peu plus sur son parcours
en pied d’interview

Qu’est-ce qui vous plaît dans la recherche appliquée à la blockchain ?
Les idées autour de la blockchain se sont construites depuis 20 ans et cela m’intéresse de les voir se mettre en pratique. Je me suis toujours senti frustré par des projets de recherche dont la finalité est la publication car les contributions qui prennent la forme de programmes informatiques ne sont pas très reconnues alors que, de mon point de vue, elles ont une grande valeur de validation des théories.

Quel sera l’apport de la blockchain à la société ?
La notion de registre distribuĂ© permet de collaborer en toute confiance, sans intermĂ©diaire et de façon dĂ©centralisĂ©e. On remplace ainsi  une partie du travail des notaires par exemple. Quand on dit blockchain, on pense tout de suite Ă  la finance et Ă  la spĂ©culation mais c’est avant tout un outil Ă©conomique, pas forcĂ©ment rattachĂ© Ă  une idĂ©ologie. Beaucoup de règles peuvent l’encadrer.

Est-ce pour bientĂ´t ?
Ce sera comme Internet : à ses débuts, son usage était cantonné à l’échange d’emails entre chercheurs puis est devenu illimité pour tous. Pour la blockchain, les personnes vont au début l’utiliser sans s’en rendre compte, c’est même déjà le cas dans certains jeux vidéo.

Vous travaillez sur la cryptomonnaie Tezos, quelles sont ses particularités ?
Tout d’abord, Tezos repose sur un algorithme probabiliste qui le rend plus écologique : on peut aujourd’hui faire tourner un nœud Tezos sur un petit ordinateur de quelques dizaines d’euros. Ensuite, Tezos est une blockchain reprogrammable par les utilisateurs eux-mêmes qui votent les évolutions ; nous en sommes à la septième version.

Quel est votre apport en tant que chercheur ?
Renforcer la confiance. Ma spĂ©cialitĂ©, comme celle des deux tiers des 50 employĂ©s de Nomadic Labs, ce sont les mĂ©thodes formelles et la programmation fonctionnelle. Nous certifions l’absence de bugs dans les programmes et leur rĂ©sistance Ă  une panoplie d’attaques. Par ailleurs, nous utilisons deux technologies issues d’INRIA — OCaml et Coq â€”, qui donnent un avantage Ă  Tezos en termes de productivitĂ© et de qualitĂ© du logiciel. Ce sont les fruits de 40 ans de recherche dans un domaine oĂą la France est en pointe.


 DĂ©collage de l’acadĂ©mie  Auparavant maĂ®tre de confĂ©rences, ses collaborations industrielles Ă©taient « un vĂ©ritable bol d’air ». Yann RĂ©gis-Gianas a dĂ©missionnĂ© pour rentrer chez Nomadic Labs il y a six mois. Tous les projets Ă©tant en open source, il continue Ă  publier et encadre deux doctorants en collaboration avec l’IRIF.


Ils parlent d’inno (alors on vous en parle)



Et pour finir
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Voici une petite introduction au “crypto art”, avec son artiste le plus cĂ©lèbre, Beeple (dont une des Ĺ“uvres est actuellement mise aux enchères par Christie’s). Voici donc GAX-447 en licence CC.