🍀 Camille vous parle d'engagement



Un numĂ©ro Ă  six mains. Cette semaine, la rĂ©daction de TMN a eu le plaisir d’accueillir Camille Risi, chercheuse en sciences du climat. Dans le cadre de l’Ă©change chercheurs-journalistes organisĂ© par l’AJSPI, Camille s’est plongĂ©e dans la peau d’une journaliste et a rĂ©digĂ© une partie de ce numĂ©ro. Des Ă©crits qui n’engagent qu’elle et non ses tutelles, bien Ă©videmment. Bravo Ă  elle et retour de Lucile Ă  100% la semaine prochaine !


22 octobre 2021 | La recherche et sa pratique 
Femmes et climat,
même combat 

D’autres critères d’Ă©valusation sont possibles pour valoriser les femmes. A chaque passage de corps ou de grade au CNRS, la proportion de femmes diminue – entre 5 et 15%. Pour rĂ©duire les biais de sĂ©lection, de nouveaux critères d’évaluation ont Ă©tĂ© proposĂ©s par la section 14 du CNRS : ils concernent la mobilitĂ© gĂ©ographique, les voyages Ă  l’étranger dans le cadre de confĂ©rences ou de jurys de thèse… Autant de situations dans lesquelles les femmes se limitent plus frĂ©quemment que les hommes pour raisons familiales.
Le rapport recommande un élargissement de ces critères vers d’autres formes de rayonnement international, comme l’implication de ses étudiants aux évènements internationaux, la participation à distance, l’attention portée à la qualité plus qu’à la quantité de ces conférences. 
Ce qui est bon pour les femmes l’est aussi pour la planète ! Moins valoriser la mobilitĂ© gĂ©ographique, c’est aussi bon pour la planète. En effet, au Laboratoire de MĂ©tĂ©orologie Dynamique par exemple, le quart de l’empreinte carbone du laboratoire est liĂ©e aux dĂ©placements, surtout ceux par avion.
Une pratique plus sobre de la recherche passe donc par une réduction des voyages à l’autre bout du monde. Ce qui est bon pour les femmes l’est donc aussi pour la planète. Et ceci n’affecterait pas pour autant l’excellence scientifique, l’empreinte carbone et le succès académique étant décorrélés.
Et ça marche aussi pour le travail quotidien. Élargir l’accès au tĂ©lĂ©travail, privilĂ©gier les rĂ©unions en visioconfĂ©rence permettrait de diminuer les trajets domicile-travail, d’Ă©conomiser du carbone mais aussi du temps de travail. Un temps d’autant plus prĂ©cieux pour les femmes qui consacrent encore malheureusement en moyenne 1h30 par jour de plus que les hommes aux tâches domestiques.

A bientĂ´t,
Camille Risi

 PS  Message de la rédaction : Pariscience, ça commence la semaine prochaine ! Que ce soit en présentiel ou distance, consultez la programmation et choisissez, il y en a pour tous les goûts.


Au sommaire de ce numéro
  • Climat : la neutralitĂ© est-elle encore permise ?
  • Inventer des faux collaborateurs, ça paie (malheureusement)
  • Des infos en passant
  • Votre revue de presse express
  • Et pour finir sous le Soleil exactement



C’est parti pour quatre minutes de lecture !



Trop grave pour rester neutres ?


Chercheurs en sciences du climat, ils se sont longtemps astreints à une stricte neutralité. Ils questionnent aujourd’hui ce positionnement.


Science first. La stricte neutralitĂ©, c’est la posture Ă  laquelle les chercheurs en sciences du climat s’astreignent traditionnellement lorsqu’ils communiquent vers le grand public. Il s’agit de transmettre les connaissances dans son domaine d’expertise, de rĂ©futer les fake news, de prĂ©senter en toute transparence les incertitudes et les limites de nos recherches. Si diffuser les connaissances sur le changement climatique, comme le font par exemple le train du climat ou l’OCE, peut dĂ©jĂ  ĂŞtre considĂ©rĂ© comme une forme d’engagement, le discours reste factuel. C’est la crĂ©dibilitĂ©, la confiance entre chercheurs et citoyens qui est en jeu.
« Une grande force de notre discipline est l’existence du GIEC »
LĂ©gitime ou pas ? La dimension multidisciplinaire des sciences du climat est une difficultĂ©. Celles-ci font intervenir des domaines très variĂ©s de la physique, de la chimie, de la biologie… Parler du changement climatique nĂ©cessite donc de sortir de son domaine d’expertise. Quelle lĂ©gitimitĂ© a-t-on alors ? « Une grande force de notre discipline est l’existence du GIEC », explique Jean-Louis Dufresne, chercheur au LMD : « C’est une base pour diffuser des connaissances larges, issues d’un consensus scientifique, avec un discours argumentĂ© et construit. ». “Science first”, c’est d’ailleurs aussi la posture du GIEC. Mais face Ă  l’urgence climatique, cette posture est-elle encore tenable?
Un problème trop grave. Un Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur est souvent Ă  l’origine de ce questionnement et d’un Ă©ventuel changement de posture, comme la tribune prĂ´nant la dĂ©sobĂ©issance civile face Ă  l’inaction climatique, la lecture du livre « Why do we disagree on climate change », ou la parution du 6e rapport du GIEC. Derrière les progrès sur la quantification et la comprĂ©hension physique du changement climatique, l’essentiel est bien connu. Tout comme la Terre est ronde, le climat se rĂ©chauffe, c’est maintenant acquis. Faut-il continuer Ă  le rappeler ou agir? « Le problème est trop grave pour se contenter de faire de la diffusion des sciences », affirme François Dulac, chercheur au LSCE.
« Le problème est trop grave pour se contenter de faire de la diffusion des sciences »
Des solutions… Le dĂ©clencheur peut aussi tout simplement ĂŞtre les rĂ©actions du public quand on leur expose les rĂ©sultats du GIEC : « C’est trop dĂ©primant, les gens veulent savoir ce qu’il est encore possible de faire », dit François Dulac. Les questions du grand public dĂ©vient très rapidement vers les solutions. La posture de neutralitĂ© apparaĂ®t alors illusoire. “MĂŞme si le GIEC se veut policy-relevant  et non policy-prescriptive, quand il prĂ©sente des scĂ©narios insoutenables pour les Ă©cosystèmes et les communautĂ©s, c’est implicitement prescriptif », remarque Agnès Ducharne, chercheuse au METIS.
Mais lesquelles ? « Tout le monde est d’accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, le problème c’est comment », dit Jean-Louis Dufresne. Ce problème dépasse alors le cadre scientifique. Il fait intervenir des considérations économiques et sociales. La dimension systémique du problème ne peut pas être ignorée : le changement climatique est un problème parmi d’autres, comme la réduction de la biodiversité, la pollution, les inégalités sociales. « Le changement climatique est une opportunité pour réfléchir au projet de société », dit Eric Guilyardi, chercheur au LOCEAN. Et là, les chercheurs sur le climat n’ont pas toute l’expertise. Pire, la réponse n’est pas que scientifique : elle dépend de nos valeurs personnelles. Produire des solutions nécessite une co-construction entre experts de domaines variés et acteurs de la société, comme par exemple dans le projet Acclimaterra.
« On ne peut plus faire l’Ă©conomie de cette rĂ©flexion collective »
Alors, quelle posture ? Proposer des solutions, certains chercheurs se l’interdisent, pointant des questions de lĂ©gitimitĂ©, de pertinence ou de crĂ©dibilitĂ©. D’autres se l’autorisent, Ă  condition de prĂ©ciser qu’ils parlent en tant que citoyen, pour Ă©viter d’abuser de leur position de scientifique. Certains s’impliquent dans des initiatives militantes, comme le collectif Labos1point5. Mais clarifier son positionnement est une nĂ©cessitĂ© sur laquelle tout le monde s’accorde : « qui est-on, d’oĂą vient-on, quelles sont nos motivations? », prĂ©cise Eric Guilyardi. Comment choisir sa posture ? Ce dernier pointe la nĂ©cessitĂ© pour les chercheurs d’acquĂ©rir une culture sur les liens sciences-sociĂ©tĂ© : « On ne peut plus faire l’Ă©conomie de cette rĂ©flexion collective ».
Camille Risi


Vous voulez réagir ? On vous lira

Un chiffre qui en dit long
 70% 
C’est le pourcentage de financement en plus dĂ©crochĂ©s par les chercheurs ajoutant de faux collaborateurs, d’après une Ă©tude publiĂ©e dans Research Policy. Celle-ci se base sur une enquĂŞte Ă  laquelle ont rĂ©pondu plus de 10 000 chercheurs aux Etats-Unis en 2017. Plus d’un chercheur sur cinq avouait avoir dĂ©jĂ  ajoutĂ© un faux contributeur Ă  leur projet et 60% avec l’espoir de tirer profit de la rĂ©putation du faux contributeur. Si ce mensonge n’augmente pas la chance de dĂ©crocher un financement, sur cinq ans, les chercheurs pratiquant ce genre de mĂ©conduites obtiennent 70% plus de financement, tout simplement car ils candidatent plus ! Ce problème n’est pas assez considĂ©rĂ© par les financeurs, estime un des auteurs dans Nature Index.


 Des infos en passant  HAL va pouvoir mettre en ligne les versions acceptées des manuscrits publiés par Elsevier lorsqu’un auteur est affilié en France, suite à l’accord avec le consortium Couperin //////// Le 15 novembre prochain aura lieu à Paris la troisième édition de la Journée science ouverte du CNRS, centrée sur les pratiques d’évaluation //////// Internet Archive publie une base de données de plus d’un milliard de citations (à ce jour) pour former des graphes de citations et le poste aussi sur arXiv //////// 


//////// Un cycle de huit séminaires sur le thème « Éthique de la recherche, intégrité et responsabilités scientifiques en situation de crise sanitaire », fruit d’une large collaboration (CNRS, Inserm, Paris-Saclay…). Première séance le 15 novembre //////// Suite aux révélations de Retraction Watch sur la rétribution de citations, plusieurs journaux (ici et là) prennent leurs distances //////// Dance your PhD, le concours organisé par l’AAAS via Science accepte les soumissions jusqu’au 28 janvier. A vos tutus ! //////// Les doctorants, petites mains de la recherche ? Un cinquième des répondants à l’enquête de Vies de thèse le ressent. D’autres résultats sont à retrouver sur Twitter ////////


Votre revue de presse express



Et pour finir…
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PrĂ©cis. Une photo du soleil Ă  230 millions de pixels, c’est le rĂ©sultat du mĂ©ticuleux travail de “l’astrophotographe” Andrew McCarthy, qui a tout de mĂŞme pris plus de 100 000 clichĂ©s ! CrĂ©dit photo Andrew MacCarthy.